Urbanisme
Le musĂ©e Unterlinden est constituĂ© de deux ensembles qui se font face de part et dâautre de la place Unterlinden, reliĂ©s par une galerie souterraine. Dâun cĂŽtĂ© le couvent mĂ©diĂ©val, avec la chapelle, le cloĂźtre ouvert, un jardin et une fontaine. De lâautre cĂŽtĂ©, le nouveau bĂątiment dâexposition fait Ă©cho au volume de la chapelle et forme avec les anciens bains municipaux â qui abritent les bureaux, la salle Ă©vĂ©nementielle, la bibliothĂšque, le cafĂ© et lâoffice du tourisme â une deuxiĂšme cour. SituĂ©e entre ces deux pĂŽles du musĂ©e, la place Unterlinden retrouve sa signification ancrĂ©e dans lâhistoire, Ă lâĂ©poque oĂč Ă©curies et ferme formaient vis-Ă -vis du couvent, un ensemble appelĂ© Ackerhof. Ce qui Ă©tait, avant la rĂ©novation du musĂ©e, un arrĂȘt de bus et un parking est aujourdâhui une nouvelle place, publique et urbaine. Le canal de la Sinn, dont les eaux sâĂ©coulent sous la vieille ville de Colmar, est rouvert et devient lâĂ©lĂ©ment central de ce nouvel espace public. Tout prĂšs de lâeau, une petite maison marque la prĂ©sence du musĂ©e sur la place. Elle reprend la position, la volumĂ©trie et la forme du moulin qui sây trouvait autrefois. En regardant Ă travers ses deux fenĂȘtres, on peut apercevoir lâintĂ©rieur de la galerie souterraine en contrebas, qui relie les deux ensembles.
Architecture
Nous avons cherchĂ© une configuration urbaine et un langage architectural qui sâintĂšgre dans la vieille ville, tout en manifestant son caractĂšre contemporain Ă ceux qui y regardent de plus prĂšs. SituĂ©e au centre de la place, face au canal, lâentrĂ©e du nouveau musĂ©e donne sur le couvent, dont la façade a Ă©tĂ© dĂ©licatement rĂ©novĂ©e. Les travaux de rĂ©novation ont Ă©tĂ© planifiĂ©s et exĂ©cutĂ©s en Ă©troite collaboration avec les architectes des monuments historiques. DĂ©barrassĂ©es des structures musĂ©ographiques des annĂ©es 80, les salles ont retrouvĂ© un Ă©tat similaire Ă celui dâautrefois. Nous avons dĂ©gagĂ© dâanciens plafonds en bois et rouvert des fenĂȘtres longtemps murĂ©es, donnant sur le cloĂźtre et la ville. Le toit de lâĂ©glise a Ă©tĂ© assaini et la nef dotĂ©e dâun nouveau plancher. Un escalier en spirale qui ne se donne pas immĂ©diatement comme un nouvel Ă©lĂ©ment architectural, conduit le visiteur Ă la galerie souterraine, qui relie le couvent et le nouveau bĂątiment. Pour la galerie et le nouveau bĂątiment dâexposition, oĂč sont prĂ©sentĂ©es les collections des 19e et 20e siĂšcles, nous avons choisi un langage architectural abstrait, contemporain, blanc. Au second Ă©tage du nouveau bĂątiment, le volume de la salle dĂ©diĂ©e aux expositions temporaires Ă©voque, avec son toit Ă pignon et sa hauteur extraordinaire de 11,50 mĂštres, la chapelle des Dominicaines lui faisant face. Lâespace central des anciens bains, oĂč se trouvait la piscine, communique avec les nouvelles salles dâexposition. Il peut accueillir des concerts, des performances, des confĂ©rences, des fĂȘtes diverses ou des installations dâart contemporain. Les façades de lâAckerhof et de la petite maison, ainsi que les murs dĂ©limitant la nouvelle cour, ont une texture rugueuse, faite de briques irrĂ©guliĂšres cassĂ©es Ă la main. Un dialogue se crĂ©e avec le couvent aux façades de moellons et de crĂ©pi, oĂč styles et Ă©poques se superposent. Dans lâĂ©paisseur des murs sont dĂ©coupĂ©es quelques fenĂȘtres en ogive. Les toits sont en cuivre. Le sol de la nouvelle cour est recouvert de grĂšs, comme la place Unterlinden. Au cĆur de cette cour, un verger, le pomarium, se dĂ©veloppe sur un socle de pierre et de briques.
Collections et Muséographie
DĂ©veloppĂ©e en Ă©troite collaboration avec Jean-François Chevrier et Ălia Pijollet, dans un constant dialogue avec les conservateurs du MusĂ©e Unterlinden, la musĂ©ographie a Ă©tĂ© pensĂ©e en relation avec lâarchitecture : nous avons eu le souci de valoriser au mieux chaque espace et chaque Ćuvre, tout en rendant lisibles les ensembles et les relations (artistiques, chronologiques, historiques). La structure composite et hĂ©tĂ©rogĂšne de la collection se redouble dans celle du bĂątiment, assemblage dâentitĂ©s architecturales dâĂ©poques et de styles trĂšs divers. Nous avons cherchĂ© Ă clarifier le parcours en dĂ©finissant des relations simples et lisibles : le CloĂźtre abrite lâart mĂ©diĂ©val (et au premier Ă©tage les collections dâart dĂ©coratif et dâart populaire) ; la Galerie la transition du 19e au 20e siĂšcle, vers lâart moderne ; lâAckerhof lâart depuis les annĂ©es 1930 et les expositions temporaires. Ă chacune de ces trois entitĂ©s correspond un traitement particulier des espaces intĂ©rieurs (matĂ©riaux, couleurs, proportions et partitions).
Le retable dâIssenheim nâa pas changĂ© dâemplacement : il se dĂ©ploie dans la chapelle attenante au cloĂźtre, dont lâespace intĂ©rieur a Ă©tĂ© clarifiĂ©. Il est prĂ©sentĂ© dans une nouvelle structure qui libĂšre les panneaux de bois peint, de maniĂšre Ă rendre visible le chef dâĆuvre de lâart pictural plutĂŽt que la piĂšce de dĂ©votion. LâĂ©clairage a Ă©tĂ© entiĂšrement repensĂ©. Lâimportant ensemble dâart mĂ©diĂ©val des 14e au 16e siĂšcles est prĂ©sentĂ© dans les salles qui entourent le cloĂźtre au rez-de-chaussĂ©e et dans une partie du sous-sol, selon une prĂ©sentation chronologique rassemblant les supports divers â tableaux, retables, sculptures, reliefs, vitraux, objets dâart â par pĂ©riode et par foyer gĂ©ographique. Lâaccrochage est dense, il permet un rĂ©seau de relations trĂšs vivant et parlant entre les Ćuvres. Cette densitĂ© est modulĂ©e par deux moments plus amples : la deuxiĂšme salle (1420-1470) et la chapelle.
La galerie se prĂ©sente comme une suite de trois salles dâexposition bien diffĂ©renciĂ©es. La premiĂšre salle de la galerie est consacrĂ©e Ă lâhistoire du musĂ©e. Elle expose et Ă©claire lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© de la collection, en combinant trois types dâartefacts : Ćuvres dâart, objets, documents. La deuxiĂšme salle sâĂ©lĂšve jusquâau-dessus du sol de la place : elle se prolonge en surface avec la Maison. Câest un volume haut et vaste, dans lequel les deux grandes baies apportent de la lumiĂšre naturelle et des vues sur le ciel. Les trois dimensions du projet â urbanisme, architecture, musĂ©ographie â sây rejoignent de maniĂšre trĂšs visible. Câest un moment fort du parcours, qui rapproche trois Ćuvres reprĂ©sentatives de trois directions de lâart du 19e siĂšcle et marque le dĂ©but de la transition vers lâart moderne, reprise et dĂ©veloppĂ©e dans la suite de la galerie.
La partie la plus longue, qui constitue Ă proprement parler la « galerie » accueille la collection dâart du 19e siĂšcle et une premiĂšre partie de la collection 20e siĂšcle, jusquâau dĂ©but des annĂ©es 1930. Lâespace en longueur est structurĂ© par trois cabinets dâart graphique, consacrĂ©s respectivement au 19e siĂšcle, Ă la photographie et au dĂ©but du 20e siĂšcle. PosĂ©es Ă intervalles irrĂ©guliers le long de lâaxe central, ces trois petites boĂźtes blanches dĂ©finissent quatre sĂ©quences spatiales. Les deux longs murs continus permettent un accrochage sans interruption en deux « lignes ». Le rythme de lâaccrochage est donnĂ© par les sĂ©quences ouverture / resserrement : espace ouvert entre deux cabinets, espace plus intime de part et dâautre de chaque cabinet, propice aux petites Ćuvres.
Le rez-de-chaussĂ©e et le premier Ă©tage de lâAckerhof accueillent la collection de peinture et de sculpture des annĂ©es 1930 Ă aujourdâhui. La musĂ©ographie a Ă©tĂ© conçue de maniĂšre Ă faire apparaĂźtre la signification historique de la collection, stimuler sa complexitĂ© et ĂȘtre ouverte Ă son enrichissement Ă venir. La division de lâespace en salles cloisonnĂ©es a Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e, car la recherche dâune puretĂ© abstraite ne convient pas Ă la collection : une succession de volumes autonomes la figerait en petits ensembles fermĂ©s sur eux-mĂȘmes. Nous avons cherchĂ© au contraire Ă rendre visibles des tensions historiques dans des espaces fluides et dĂ©coupĂ©s. Le systĂšme de cimaises suspendues, dĂ©veloppĂ© spĂ©cifiquement pour le musĂ©e Unterlinden, permet dâassocier mobilitĂ© et structure rigoureuse de lâespace. Chacun des deux niveaux est traitĂ© comme une unitĂ© spatiale continue, oĂč les Ćuvres dialoguent : dĂšs lâentrĂ©e, le niveau est perçu par le visiteur comme une entitĂ© â un seul volume â, dont il dĂ©couvre le contenu et les articulations au fil de son avancĂ©e dans la salle. Cette mobilitĂ© permet de mettre en valeur les points forts de la collection, faisant jouer des relations de parentĂ© Ă©videntes mais aussi des glissements et des contrastes moins attendus.
Herzog & de Meuron, décembre 2015